Il faudrait être
passablement "innocent", aujourd'hui, pour imaginer un
système économique où les profits
réalisés par une activité seraient
équitablement partagés par tous les
participants à l'action !
Faire une
distinction entre les patrons et les ouvriers a paru
satisfaisant, un certain temps, ... mais la situation s'est
dégradée avec la multiplication des
échelons et des missions intermédiaires :
employés, cadres, ingénieurs, financiers,
commerciaux, chef du personnel ... devenant, chacun,
prétendant à une part significative du
gâteau à partager ...
Les prises de libertés et de privilèges, au
dépens des autres, avaient des limites :
- malgré les consignes de discrétion, qui ont
fini par conditionner nos modes de pensée et nos
règles de "savoir-vivre", il était possible de
conserver une vue d'ensemble de l'équipe, ou de
l'entreprise : des écarts trop importants entre le
bas de l'échelle et le haut de la hiérarchie,
pouvant être évalués de façon
critique et devenir cause de malaise ...
- un manoeuvre maltraité, un balayeur, ou un gardien
de nuit mal considéré, une femme de
ménage trop mal payée, aurait tout
naturellement trouvé des recours et un probable
soutien au sein de l'équipe : l'image de l'entreprise
pouvant être affectée, le représentant
du personnel pouvant intervenir, etc ...
Le recours à des
entreprises de sous-traitance, pour des besognes de basse
qualification, a été salutaire sur ce dernier
point : la responsabilité des bas salaires, ou des
mauvaises conditions de travail, ou de l'exploitation de
l'individu, n'étant plus assumée, ici. Il
devenait même possible de faire pression sur le
sous-traitant, voire d'en changer : ceux-là, devenant
alors de moins en moins chers et se chargeant de
"gérer", à leur manière, les
carrières ou éventuels "problèmes" du
personnel ...
Cette démarche a
fait école ... et il serait assez édifiant
d'imaginer toutes les facilités et tous les avantages
que cela peut apporter à une équipe dirigeante
:
- possibilité de fermer un atelier, ou une
unité de production ... et d'obtenir, ailleurs, le
service, ou le produit nécessaire : avec une nouvelle
liberté pour exercer des pressions et imposer des
contraintes pour l'optimisation des profits.
- possibilité de changer de sous-traitant, si
nécessaire, pour obtenir satisfaction : la
stratégie permettant, en fin de compte, de "tenir" la
petite entreprise de sous-traitance et tout son personnel
dans une situation de précarité et de
dépendance, pour retrouver toute liberté de
manoeuvre, ou avancer des exigences qui auraient
été jugées honteuses et inacceptables
à domicile, ... et d'en tirer le meilleur profit.
- possibilité de jouer de la concurrence et de la
"mondialisation" ... pour obtenir le concours d'un nouveau
type d'individus et de structures : des "esclavagistes"
modernes, faisant travailler des prisonniers, ou des
personnes en situation précaire, des populations
sous-payées ou sur-exploitées, ... des
victimes désignées par nos nouveaux
modèles économiques, qui ne
bénéficieront d'aucune sécurité,
d'aucune protection, d'aucun statut ... et qui nous
permettront de "mondialiser nos profits" !
Dès
à présent, la boucle est quasiment
bouclée :
quel patron ne rêverait pas de pouvoir payer ses
employés 100 francs par mois, pour faire plus de
profit et bénéficier, sans partages inutiles,
d'un plus grand pactole ...(?)
sous-traitance et
mondialisation permettent cela !
L'évolution
des technologies modernes, les nouvelles facilités de
communication et d'échanges feront le reste :
bientôt la petite équipe dirigeante trouvera
les bonnes idées et les bons mots, les bons experts
et les bons médias, les bonnes méthodes et les
bonnes techniques, pour faire, très progressivement,
le vide autour d'elle, ... rejetant tous les
prétendants à un "partage de la galette" et
traitant uniquement avec des sous-traitants, parfaitement
"conditionnés" et parfaitement
"mondialisés",
pour rester
l'unique bénéficiaire des futurs profits
!
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